• 24/11/2020
  • Mathieu Gleize

La fois de trop

Bronx (Olivier Marchal, 2020)

Olivier Marchal retrouve les flics corrompus et les caïds qui ont fait ses succès et délocalise la situation à Marseille. Ce qui n’empêche pas la sensation de déjà-vu, mais en moins bien malheureusement. Car sur le papier, c’était alléchant : un croisement entre le meilleur film du réalisateur (36, Quai des orfèvres, 2004) et sa série phare (Braquo, 2009). Sur le résultat, c’est assez décevant. Les deux intrigues s’entremêlent avec intérêt, mais ce qui les compose n’est pas à la hauteur de ce genre de film. On retrouve des flics aussi dangereux que les criminels, des directeurs de police qui cherchent à faire la loi, des flingues qui vibrent, des gangsters attachés aux leurs... Mais le rendu reste trop brouillon, à commencer par la distribution.

Les acteurs qui avaient contribué à la réussite des précédentes créations de son auteur sont absents : Lannick Gautry (Commandant Vronski) donne certes le meilleur de lui-même, mais n’a pas le charisme et le talent d’un Daniel Auteuil ou encore moins d’un Jean-Hugues Anglade, Jean Reno n’a plus la niaque de Ronin (J. Frankenheimer, 1998), et les autres membres de la brigade sont inexistants. Kaaris et David Belle n’ont aucune ou trop peu de consistance pour qu’on s’attache à eux malgré leur désir évident de faire plaisir au public. Seul se distingue le revenant Stanislas Merhar dans un rôle à contre-emploi étonnant. Loin de ce que lui avaient demandé Chantal Akerman et Anne Fontaine, l’acteur interprète un policier écorché par l’alcool et le métier. La violence de certaines de ses scènes nous montre à quel point le réalisateur est touché pour le suicide des flics, lui qui a exercé cette profession pendant un certain temps. L’intensité des plans rapprochés et des yeux humides de l’acteur que nous avions perdu de vue nous ramène à l’idée que les hommes, qu’ils soient bons ou mauvais, restent des êtres humains avec des sentiments.

Mais du côté aussi des antagonistes, ça a du mal à tenir la route. Ils sont là, les tueurs avec des cicatrices, des yeux crevés, des mains prêtes à dégainer. Mais on ne comprend pas qui fait quoi, et surtout, avec qui. Les flics doivent faire face à une guerre des gangs, mais à force de trahisons, on ne sait plus à la fin qui est avec qui, et on se noie dans un torrent de violence brute où on se perd trop facilement. Même si les habitués (Alain Figlarz, Dani voir Gérard Lanvin) sont présents, le film se perd dans un trop-plein de vengeances et de bandes rivales, et après avoir vu le film, on a du mal à refaire le puzzle du cartel tant ils sont nombreux et si peu consistant.

L’autre endroit où Bronx est maladroit, c’est dans son scénario assez irréaliste, et dans un sens, trop rapide pour un réalisateur qui a côtoyé le milieu. De trop nombreuses incohérences viennent parasiter notre plongée dans cet enfer de la police. La découverte des armes dans le club, la famille de Willy qui ne bronche pas quand celui-ci casse tout dans la maison. Mais le plus gros problème concerne le dénouement : le réalisateur a dû vouloir montrer que dans ce monde tout est pourri, tout le monde est corrompu et surtout tout le monde ne recule devant rien. Mais cela arrive beaucoup trop vite, et on a trop de mal à y croire. Ainsi, on alterne entre séquence qui se veulent réaliste et séquence trop absurde, et cela devient difficile de conserver une relation continue avec l’univers diégétique.

Mais le film reste quand même un polar assez sympathique à regarder si on aime les films de son auteur, car il conserve tout de même les codes du film noir et du policier, et la nouvelle lumière qu’offre Marseille n’empêche pas le film de conserver une tension permanente devant le danger que courent les héros. Les séquences d’action sont plutôt bien captées, et le décor reste réaliste.

En bref, un film qui fera bien plaisir aux fans de Marchal qui ont Netflix, les autres, regardez autre chose !