« It’s TV, it’s comfort »
Community (NBC/Yahoo! Screen, 2009-2015)
En disant cette réplique dans le dernier épisode de Community, Abed, personnage qui brise fréquemment le quatrième mur, pose tout le paradoxe de la série : une familiarité réconfortante, mêlée à un renouvellement constant grâce à son approche méta.
Pourtant, quand on commence la série, on croit regarder une sitcom des plus ordinaires : un groupe d’outsiders, tous extrêmement différents les uns des autres, vont apprendre à se connaître et devenir amis en étudiant à Greendale, une université publique américaine. On pense tomber sur Breakfast Club, mais avec des personnages encore plus distincts et une université incompétente (par manque de moyens et par offre d’enseignements douteux) à un degré délibérément absurde. La surprise, qui est davantage le gâteau que la cerise, est son humour méta. Oscillant fréquemment entre les références (dès la saison 1, avec l’épisode 20 Modern Warfare, ou plus communément appelé “paintball episode”, qui parodie le film de guerre) et les fulgurances de conscience de soi (comme lorsqu’Abed prédit que la série durera 6 saisons dans l’épisode 21, saison 2 Paradigms of Human Memory), la série bascule rapidement dans des épisodes à concepts.
Bien que ce soit le grand atout de Community, il serait réducteur de la résumer à son humour méta. Si l’on creuse en profondeur, on s’aperçoit que cet élan d’imagination est aussi, et surtout, porté par ses personnages à l’enthousiasme touchant. On y retrouve le plaisir innocent à se retrouver entre amis, avec cette saveur quotidienne de rendez-vous, à la fois pour nous, mais aussi pour eux, à l’université.
Néanmoins, la série n’est pas parfaite, en partie à cause de son contexte de production. Une fois la dynamique du groupe parfaitement huilée au bout de 3 saisons, des personnages commencent à partir au fil des saisons (Pierce, Troy, Shirley), et le créateur de la série, Dan Harmon, est absent pendant la saison 4. On assiste alors à une baisse d’originalité accompagné d’un manque mélancolique (notamment par le personnage de Troy, qui formait un duo comique parfait avec Abed). Cependant, la série se reprend pour la saison 5, qui marque le retour de Dan Harmon, showrunner indispensable à la qualité de la série.
Celui-ci utilise un bon nombre d’ingrédients de la forme sérielle pour les tourner en qualités (que l’on peut retrouver dans ses autres séries, notamment Rick et Morty) : personnages imparfaits mais extrêmement attachants, dialogues précis et excellemment rythmés, et une audace qui lui permet de profiter pleinement de la narration épisodique. Dan Harmon est un créateur, mais surtout un expérimentateur : il aime pousser ses personnages, ses intrigues, ses concepts dans leurs retranchements. L’exemple parfait est celui du personnage d’Abed, qui aurait pu simplement être un geek fan de cinéma, mais qui devient très rapidement un personnage conscient de tous les codes cinématographiques, et, en les calquant sur sa réalité, devient conscient qu’il est dans une série. Ce personnage permet à Dan Harmon de puiser tout le potentiel d’un concept en un épisode, de pousser l’hommage jusqu’au bout. L’exemple le plus réussi est, pour moi, l’épisode Basic Lupine Urology (saison 3, épisode 17), où la réalisation et l’écriture travaillent main dans la main pour faire leur plus bel hommage à la série Law & Order.
Cette liberté évite la série d’être lassante, et de nous surprendre constamment. Certes “it’s comfort”, mais cette sensation de cocon dans lequel on ne voudrait pas sortir est toujours accompagné d’une excitation, de l’enthousiasme d’un rendez-vous qui peut prendre n’importe quelle forme. Lorsqu’on termine la série, on se retrouve à être comme ses personnages, des Peter Pan qui ne veulent pas grandir, rester dans leur monde avant de se confronter à la réalité.