• 06/11/2020
  • Ghislaine Maamouche

Parfois, il n’y a pas de bon choix

Do the Right Thing (Spike Lee, 1989)

Sorti en 1989, Do the Right Thing reste à ce jour le film le plus emblématique de Spike Lee. Son troisième long-métrage nous plonge dans le quartier de Bedford- Stuyvesant à Brooklyn. En une journée d’été où la température bat les records, la chaleur insoutenable joue sur la fatigue et la nervosité des habitants, et intensifie les tensions raciales de la communauté.

Si le film nous prouve quelque chose aujourd’hui, c’est que les injustices sociales sont toujours aussi présentes qu’il y a trente ans. Do the Right Thing donne un sentiment de modernité, tant dans le fond que dans la forme. Il s’agit probablement d’un des films les plus marquants de Spike Lee sur les relations raciales aux États- Unis, son importance ne s’atténue pas au fil des années. Au contraire, il a de plus en plus d’impact car c’est un problème qui persiste, et pas seulement en Amérique du nord. Spike Lee a conçu ce film suite au meurtre du jeune afro-américain Michael Griffith, tué par un groupe d’hommes blancs en 1986, à Howard Beach dans le Queens, New York.

Les tensions montent petit à petit, entre tous les habitants du quartier, qu’ils soient d’origines africaines, italiennes, latino-américains ou coréennes, jusqu’à que la situation dégénère et que la violence éclate. Cette progression est subtile, d’autant plus que le film paraît d’abord comique et léger, avant de basculer subitement dans le drame. En effet, le basculement part d’un simple désaccord entre Sal, Italien propriétaire d’une pizzeria dans ce quartier depuis un quart de siècle, et Buggin Out, jeune client régulier. Buggin Out demande à Sal simplement pourquoi, sur le mur de la pizzeria, sont seulement affichées des photos de célébrités italo-américaines, alors que la majorité de sa clientèle est noire.

Chaque personnage joue un rôle prépondérant dans l’intensification du climat conflictuel. Les personnages sont bien développés, même si une certaine distance est instaurée avec le spectateur. Ils ont du caractère, sont excentriques, et nous donnent un sentiment de vérité accentué par le jeu authentique des acteurs et les angles de prises de vues inhabituels de Spike Lee.

Un personnage se démarque et sort du lot : Mookie (interprété par Spike Lee). Il se trouve au milieu des conflits, tiraillé entre les Italiens pour qui il travaille et les jeunes de son quartier. Mookie va « déclencher » l’émeute finale qui, par ailleurs, ne manque pas de nous ébahir, ce qui donne tout son sens au titre du film « Do the Right Thing ». Cette phrase est prononcée dans le film par Da Mayor, vieil homme aux paroles sages qui passe ses journées à boire et à errer dans le quartier, conseillant à Mookie de « toujours faire la bonne chose » (« Always do the right thing »). Il s’agit d’une référence à Malcolm X, énonciateur du propos suivant «You've got to do the right thing ». Cette phrase ouvre un débat engageant à l’interprétation de chacun : c’est quoi, « la bonne chose à faire » ? Mais surtout, estce que Mookie a fait ce qu’il fallait ? Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question, chacun pouvant avoir un point de vue différent. Spike Lee le montre bien à la fin du film en affichant deux citations sur la place de la violence dans le combat pour la justice raciale : l’une de Martin Luther King et l’autre de Malcolm X. La photo des deux hommes défilant après les citations nous confirme que chacun peut interpréter à sa manière la bonne chose à faire.