Un film moral et sociétal
Her (Spike Jonze, 2013)
Dans un Los Angeles futuriste (2025), Théodore récemment séparé de sa femme est sur le point de signer les papiers du divorce. Excellent dans son travail mais dépressif il se procure un nouveau système d’exploitation personnalisé nommé OS 1 qui se donne vite comme prénom Samantha. Une relation va alors naître entre ces deux « êtres », l’un découvrant le principe de la vie et l’autre redécouvrant la passion dans un monde où la technologie a pris le pas sur toute émotion humaine.
A première vue un film dont le sujet principal est l’emprise de la technologie, en réalité c’est un film sur l’essence de l’être humain. Her est avant tout un film d’émotions et de sensations, qui traite du fond de l’être humain en passant par une histoire d’amour, d’où « A Spike Jonze love Story » dans le titre. Accompagné d’un Joaquin Phoenix haut en couleur, le réalisateur signe un film moral et sociétal dressant le portrait d’un monde vide et froid dans lequel l’omniprésence d’une technologie avancée sert de support à une population avide de sentiments. Un film qui amène à des réflexions.
Les relations humaines mises en périls
Théodore, interprété par Phoenix, est un écrivain de lettres personnelles, seul et dépressif. Ce personnage, totalement délaissé par la société, qu’il a pourtant vue évoluer sous ses yeux, est l’incarnation même de la mélancolie. Le personnage n’assume pas son divorce et se retrouve seul socialement, il se remet alors en question , l’OS 1 va être un déclencheur dans sa vie personnelle. Cette OS veut découvrir des sensations humaines, en outre des sentiments, chose que Théodore prône avant tout. Se sentant de nouveau aimé et apprécié pour ce qu’il est réellement, il retrouve la passion qui l’avait quittée il y a des années pour finalement retomber amoureux, avant de déchanter.
Le réalisateur avec son film témoigne de l’évolution de la société moderne encrée dans la technologie et souligne un fléau qui pourrait être de plus en plus présent : la disparition d’interaction directe entre des personnes. La relation amoureuse entre Samantha et Théodore naît de l’absence de contact chez ce dernier, Théodore croit alors la combler avec une machine ; mais aveuglé par cet amour (qui n’en est pas vraiment un) il ne voit pas le gouffre dans lequel il tombe et dans lequel nous tombons tous, celui de la dépendance à un « être » qui n’existe pas. Dans ce film Spike Jonze pousse cette dépendance à l’extrême en dressant un portrait de relations purement virtuelles à défaut de relations réelles. A travers ce film le réalisateur nous rappelle l’essence même de l’Homme, la nécessité de contact physique et le besoin d‘éprouver des émotions pour autrui. Comme Théodore, on pourrait se dire que le problème vient de nous, or ce n’est pas lui (nous) le problème mais bien la société dans laquelle il vit (nous vivons), il ne fait que s’adapter pour survivre, c’est là le principe même de l’évolution.
A l’heure où la technologie prend de plus en plus de place dans notre monde, ce film s’inscrit parfaitement dans le questionnement général sur notre consommation et notre relation avec la technologie. Comme Matrix ou encore Terminator il n’est pas surprenant de découvrir un film traitant de ce sujet et ce n’est sûrement pas le dernier, puisque l’Humain se questionnera toujours sur sa place par rapport à la machine.
Là où les autres réalisateurs voient les I.A. comme une menace pesante et inévitable sur l’être humain, Spike Jonze lui la voit comme une assistance de vie personnelle évolutive. Bien que bienveillante, l’humain ne peut se contenter de machine chose que Théodore comprend au dénouement. Un regard nouveau est alors apporté sur ce sujet tant traité au cinéma et ce souffle nouveau est, je trouve, le bienvenu.
Le réalisateur exprime sa vision sur les relations humaines, chose variant selon les personnes, personne n’a la même idée de l’amour et ce n’est pas forcement clair à expliquer. Cependant il imagine dans 12 ans ce que cette technologie pourrait apporter à la société tout en ayant une réflexion abordable, pensable et surtout crédible. Ce n’est pas visionnaire, c’est proche et en même temps lointain, un homme du présent dans le futur proche. Ce monde futuriste est un monde d’intermédiaire comme le personnage Théodore en est un. C’est donc un film à la fois moral pour sa prise de conscience et sociétal car c’est un reflet de notre société actuelle.