• 13/10/2020
  • Marie-France Mobio

La traversée de Rome

Journal intime (Nanni Moretti, 1993)

Journal intime est un film italiano-français écrit, réalisé, produit et interprété par Nanni Moretti, sorti en 1993. Le genre du film est un essai cinématographique qui se définit comme étant une expérience dont le but est de prendre la mesure de sa propre pensée.

Alors à travers une vue panoramique horizontal des nuages et le ciel, Nanni Moretti joue son propre rôle dans une sorte de dialogue avec son journal intime. Il raconte une histoire en faisant la découverte de la ville de Vespa à travers les quartiers de Rome. Il faire découvrir les secteurs fortement individualisés de la ville de Casalpalocco sur une motocyclette tout au long de sa circulation. Elle est en revanche un faubourg résidentiel à mi-chemin entre la ville et le littoral d’Ostie. Dans ce quartier aisé, aux nombreux espaces verts, chaque maison individuelle est protégée par des haies et des murs. Pour moi c’est un endroit paisible mais, selon la vision de l’acteur principal, sans âme. De son passage à Casapaloco, l’acteur me plonge dans un univers comique par le ton et la manière de décrire le secteur.

Le silence du peuple Comme dans le reste du film, ce parcours-là est donc silencieux, au sens où l’on n’entend aucun bruit provoqué par la Vespa ou par les éléments présents sur les routes où elle circule. Or, ce silence, est aussi celui de la vie collective dans une ville qui apparaît comme quasi déserte durant l’été. La plupart des voitures étant garées, l’impression domine tout du long que la Vespa de Moretti est le seul véhicule en fonctionnement, le seul objet mouvant dans un monde immobile, figé. Ainsi, alors qu’il est beaucoup question de quartiers populaires dans « En Vespa », le peuple qui est censé les habiter est curieusement absent à l’image. Dans cette visite privée de Rome, les habitants semblent donc curieusement manquer à l’appel.

La plus grande joie de l’acteur, est de danser dans un bal populaire. À l’exception d’une scène de bal au cours de laquelle Moretti se tient résolument à l’écart des danseurs, je n’aperçois dans le film, des rues et des habitations. Certainement des musiques de fosses préexistantes comme Batonga et The Köln Concert et la voix off du cinéaste. Cela concerne deux éléments principaux : d’une part la voix de Moretti égrenant les passages de son journal intime romain et d’autre part les musiques préexistantes qui accompagnent ses voyages incessants en Vespa. « Même dans une société plus décente que celle-ci, je serai toujours avec peu de gens », déclame-t-il au conducteur étonné d’une Mercedes 500 SL lors de leur arrêt commun à un feu rouge.

Mais ce dialogue se révèle rapidement un dialogue de sourds : ce n’est pas parce qu’il engage ponctuellement la conversation avec quelqu’un que Moretti cesse de monologuer, de divaguer poétiquement, comme il le fait.

Pour terminer, l’introduction de ses discours sur certaines images de sa balade provoque aussi l’impression que son contenu pourrait correspondre à l’homme Moretti lui-même, décrire une facette de sa propre vie comme si l’éventualité d’une crise morale couvait toujours, sous la sensation joyeuse et simple du déplacement dans la ville.