Les préjugés des années 60’ sont toujours d’actualité
The Boys in the Band (Joe Mantello, 2020)
The Boys in the Band est un film basé sur la pièce de théâtre du même nom de Mart Crowley, une oeuvre à succès qui a été jouée à Broadway en 1968. C’est aussi un remake du film Les Garçons de la bande sorti en 1970, réalisé par William Friedkin. Cinquante ans plus tard, Netflix coopère avec le très réputé Ryan Murphy pour produire ce film qui sera réalisé par Joe Mantello, connu pour ses productions à Broadway. Pourquoi s’intéressent-ils toujours autant à une trame des années 60’ ?
Nous avons ici un scénario original, sept amis gays aux caractères bien trempés dans un appartement New-yorkais, ils fêtent un anniversaire arrosé d’alcool qui tourne mal. Le film est divisé en deux parties, montrant dans un premier temps l’aspect psychologique des personnages, et nous amenant peu à peu à une ouverture émotionnelle, à travers un jeu téléphonique où chaque joueur doit appeler la personne qu’il a le plus aimé dans sa vie. Nous passons d’un monde de paillettes et de personnalités affirmées à une souffrance intérieure envenimée par des doutes. La douleur de nos personnages est mise en avant, ainsi que leur détestation d’eux-mêmes dans le reflet que leur renvoie la société qui les rejette.
« Montrez-moi un homosexuel heureux, je vous montrerai un cadavre gay. » – Michael (Jim Parsons)
Des personnages différents et identifiables sont joués à la perfection, avec un casting d’ensemble fabuleux. Matt Bomer apporte la tendresse, Andrew Rannells la séduction, Robin de Jésus l’excentricité, Tuc Watkins la stabilité, Michael Benjamin Washington le calme, Brian Hutchison la colère, Charles Carver l’innocence, Zachary Quinto la complexité et enfin Jim Parsons le déni avec une pointe d’honnêteté et d’amertume. Cette distribution d'ensemble équilibre le film et nous fait passer par toutes les émotions. La justesse des acteurs confirme une écriture avant-gardiste pour un scénario datant de 1968, qui reste inspirante pour notre génération.
Certains prendront ce film pour du bavardage constant sans creuser plus loin que ce qu’ils entendent, alors que l’écoute est la clé de cette oeuvre. L’action du film se déroulant en 1968, le propos du film n’est pas modernisé, quand bien même que les sujets abordés sont toujours aussi pertinents aujourd’hui. Cacher sa nature auprès d’anciennes connaissances, restreindre sa personnalité pour rentrer dans le cadre social ou encore être en conflit avec la morale stoïcienne, ce sont autant de sujets qui ne sont toujours pas considérés dans certains endroits du monde.
Le huis clos, se déroulant dans un salon d'appartement, accueille le spectateur dans une intimité. Les neuf personnages sont agglutinés dans cette pièce à vivre. Chaque plan nous donne à voir les sentiments de chacun grâce à l’expression des visages. Les nombreux champs-contrechamps dynamisent le film et les dialogues. Nous sommes transportées au coeur de leurs problèmes, et éprouvons de l’empathie pour les protagonistes. Les flash-back détaillent les souvenirs des personnages, nous révélant les histoires les plus intimes.
Emportée par ce film, j’ai été touchée par la sensibilité des acteurs, des décors et des plans. Tous les éléments perçus dans ce film sont calculés pour que le spectateur soit transporté, esthétiquement il est beau à regarder et moralement il interpelle. Dans le documentaire Netflix The Boys in the Band entre nous, Mart Crowley a déclaré : -“Qu’ils retiennent ce qui leurs plaisent et laissent le reste.”, ce qui montre la dédramatisation de son oeuvre, acceptant l’opinion des uns et des autres sans souci. Nous comptons les productions Netflix qui se démarquent réellement et ce film en fait partie. La plateforme ne s’est pas trompée dans son association avec les meilleurs et signe un remake de qualité. Cette piqûre de rappel des plus grands du cinéma et des noms de Broadway est indispensable ; j’en redemande. Un scénario avant-gardiste pour hier, très actuel pour aujourd'hui mais peut-être révolu pour demain.