• 03/12/2020
  • Chloé Lairet

Une fantastique histoire entre l'adolescence et l'oubli

Your Name (Makoto Shinkai, 2016)

Your Name est le quatrième long-métrage d’animation de Makoto Shinkai sorti en 2016. Ce film japonais est une adaptation de son roman éponyme. Ce film est en deux parties, la première est la présentation des personnages et leur rencontre, la deuxième est la recherche de l’autre, reliées par un même fil conducteur, la naissance d’un amour. C’est un long-métrage qui arbore une grande diversité de thèmes, principalement la romance d’adolescent, la mémoire du passé et la modernité. Le film dépeint les aventures de deux jeunes adolescents Taki et Mitsuha, chacun rêve de la vie de l’autre, sans se connaître ; l’une est une lycéenne du Japon rural, l’autre réside à Tokyo. Comment confronte-t-il les univers des deux adolescents ?

Dès la scène d'ouverture, nous sommes confrontés au sentiment de perte, d'oubli des deux jeunes adultes qui à chaque réveil éprouvent de fortes émotions, le plan d'une larme sur un doigt vient indiquer au spectateur que ce sentiment est vrai et fort. Dans cette première partie du film, le rêve est important puisqu'il est le point de rencontre entre les deux personnages. Ils ne se voient pas physiquement, en effet, ils échangent leur corps au cours de leur sommeil et chaque personnage vit la vie de l'autre. Pour ne pas perturber la vie quotidienne de l'autre et de leur entourage, ils interagissent en s'écrivant des messages sur leur portable ou en s'écrivant sur le visage, leurs mains au feutre. Toujours afin de ne pas troubler leur quotidien, ils établissent des règles à respecter, ce qui donne une pointe d'humour au film.

De cet échange de corps, naissent leurs interrogations mutuelles sur le sexe opposé, la recherche de soi, l'amour, les dangers de la vie, le choix d'une voie, réaliser ses rêves, tant de sujets que le réalisateur place en thème maître de son film ; l'adolescence. L'impact social de cet échange d'êtres donnera notamment naissance à des comportements et situations plus ou moins risibles. Mitsuha deviendra populaire auprès des garçons, mais également des filles, Taki quant à lui parviendra à séduire une jeune serveuse grâce à la part féminine nouvellement en lui. Émotionnellement, les deux protagonistes, sans jamais se voir réellement, s’attacheront l'un à l'autre.

Au sein du film, une forte dualité se dessinent au travers des vies quotidiennes de chacun des deux protagonistes, en effet le réalisateur met en avant les traditions japonaises rythmant le quotidien de la jeune fille, tout cela dans le cadre bucolique de la campagne japonaise, où elle y vit dans un milieu exclusivement féminin puisque sous le même toit se trouvent sa grand-mère et sa sœur. À l’opposé, le jeune lycéen vit en pleine ville à Tokyo, où la modernité remplace la tradition, où nous ne rencontrons aucune présence féminine puisqu'il vit exclusivement avec son père. Dans ce milieu urbain, dont la reconstitution des quartiers de la ville est extraordinaire, nous retrouvons le jeune homme à son travail de serveur, nous dévoilant les aspects quotidiens d’un étudiant citadin. De plus, leur éloignement n'est pas seulement dû à leur milieu de vie, ni même à la distance,mais à un temps qui diffère.

Une mémoire oubliée

Alors que la première partie est sur un ton de légèreté, d'amusement et de découverte, rythmé par un montage dynamique, la deuxième partie du film est sur un ton plus dramatique, plus profond et se concentre surtout sur un travail de recherche de l’autre, le passé et l’oubli. En effet, nous suivons Taki en quête d'un paysage particulier qui s’avérerait être celui du village de la lycéenne. Il y aura un jeu de mémoire, s’articulant autour de ses dessins, ainsi que l’étude de divers livres, mais aussi grâce aux souvenirs dont il dispose en étant Mitsuha.

Une longue recherche s'effectue dans cette partie et nousconduira à la découverte de cette vérité pouvant secouer plus d’un spectateur. En effet, c’est le moment où l’émotion est la plus intense, tout ce que l’on veut est ; voir les deux protagonistes enfin réunis. Le réalisateur renforce ce ressenti par des images magnifiques du ciel en pleine journée ou de ciel étoilé et l'une des clés de l'histoire afin qu'ils puissent se retrouver ; le crépuscule. Makoto Shinkai sème des indices tout au long du récit surtout par rapport à des moments de l'histoire japonaise traditionnelle, comme par exemple la fabrication ancienne du sake où nous voyons une cérémonie préparée par la famille de Mitsuha dans des tenues japonaises traditionnelles regardée par les villageois, nous faisant découvrir la fabrication de l’alcool avec leur salive et le riz.

Nous accompagnons donc Taki dans ce voyage temporel entre évènement passé, oublié et vérité. Les deux protagonistes cherchent à combler le manque de cette personne qu’ils ne trouvent pas, qu’ils ont volontairement ou involontairement oublié. À plusieurs reprises, ils sonderont leurs mémoires afin de retrouver le prénom de l’autre, ce qui reprend parfaitement le titre du film Your Name.

Pour conclure, l’accord entre les musiques et les images est fantastiquement réalisé, dans la première partie nous avons des mélodies amusantes, rythmées, rafraîchissantes alors que dans la deuxième partie, où le drame est plus présent, les mélodies sont plus calmes et tristes. Tout le long du film, elles battent la mesure au rythme de l’atmosphère fluctuante. La scène finale de Your Name laisse une ouverture pour la suite de l’histoire, laissant le loisir au spectateur de rêver à une fin heureuse ou non. Entre tradition et modernité, ville et campagne se trouve l’histoire bouleversante de Taki et Mitsuha àla recherche de l’autre et de l’adolescence.