Un nouveau regard sur les comédies romantiques

La Proposition (Anne Fletcher, 2009)

La Proposition est l'une des comédies romantiques les plus célèbres des années 2000. Diffusée dans plus de cinquante pays, elle est aujourd'hui considérée comme l'un des grands classiques du genre. Les contours de celui-ci étant clairement définis, comment se distingue La Proposition et comment expliquer sa cote de popularité ?

La Proposition est une comédie romantique de 2009, réalisée par Anne Fletcher. Ce film suit l'histoire de Margaret (Sandra Bullock), une prestigieuse éditrice canadienne à New York, qui après avoir négligé ses documents d'immigration, se retrouve sur le point d'être déportée au son pays natal. Pour éviter cela et maintenir son travail, elle invente qu'elle est fiancée à son assistant Andrew (Ryan Reynolds), qui accepte de participer à la farce, mais à certaines conditions, y compris un voyage en Alaska pour célébrer le 90ème anniversaire de la grand-mère d'Andrew. A première vue, le film est une comédie romantique comme les autres. Deux protagonistes opposés vivent ensemble une aventure qui les fait changer d'avis l'un sur l'autre et les ouvre les yeux pour finalement tomber amoureux, une histoire prévisible. Cependant, en allant plus loin et en analysant réellement les personnages et leur relation, nous trouvons une perspective nouvelle et rafraîchissante au genre de la comédie romantique.

Premièrement le choix du casting. Dans un côté Sandra Bullock, une actrice très célèbre avec beaucoup d'expérience dans le genre, qui sorte quand même de sa zone de confort en jouant un personnage plus âgé que son co-protagoniste Ryan Reynolds qui au moment de sortie du film était pas très connu par le public. Bullock joue alors le rôle d'une femme amère et antisociale, qui en plus ne représente pas le modelé traditionnel de la femme jeune des grands espoirs. Ce qui nous amène à notre deuxième point qui est peut-être le plus intéressant et la clé du succès du film: les rôles traditionnels joués par les hommes et les femmes sont initialement inversés.

Sandra Bullock est la patronne d'Andrew et celui-ci, en tant qu'assistant, joue le rôle de l'homme soumis. Tout au long de la première partie du film et dès la présentation des personnages, Fletcher établit la relation de dominant et dominé. Cela apparaît très clairement dans la scène d'ouverture, subtile mais très efficace. Un montage alterné nous montre la routine du matin de chaque personnage. Margaret déterminée se prépare à une journée de travail où elle donnera clairement le meilleur d'elle-même, tandis qu'Andrew stressé s'efforce pour répondre aux exigences de son patron. Une fois au bureau, Margaret joue le rôle de dictateur sans pitié et Andrew celui d'assistant inconditionnel.

Néanmoins, lorsqu'ils arrivent en Alaska sur le plan personnel, les rôles sont inversés de nouveaux et on observe une interaction plus traditionnelle de comédie romantique ou la femme est plus vulnérable que l'homme. Margaret, qui a perdu ses parents à 16 ans, souffre de plusieurs insécurités qui l'empêchent de s'ouvrir aux autres, alors qu'Andrew a une famille amoureuse et complète. En dehors de son travail, il est un homme déterminé qui ne se laisse pas guider par les exigences de Margaret, ce qui commence à créer un jeu entre les deux personnages. Tout cela sans oublier la forte personnalité de Margaret qui, même en étant désavantagée, reste une femme indépendante qui se bat pour garder le contrôle et ne se montre pas vulnérable. C'est ainsi que le film reste fidèle à son angle innovant et montre en même temps une évolution intelligente des personnages qui, comme toute bonne comédie romantique, laisse le public avec une apprentissage et nous fait nous identifier avec eux, autre point fort du film qui en plus ne se limite pas aux protagonistes.

La plupart des personnages de cette comédie sont vraiment attachants et réels. Du charismatique Andrew, dont l'humour authentique se transmet au public, aux situations absurdes mais incroyablement drôles auxquelles Margaret doit faire face, en passant par les personnages secondaires tels que la grand-mère dotée d'une personnalité colorée, décidée à respecter les traditions et qui reçoit Margaret de manière difficile mais honnête. Chaque personnage apporte son petit grain de sel à la narration, à quelques exceptions telles que Ramone un habitant de Sitka, la ville natale d'Andrew, aux multiples professions et avec un accent hispanophone assez particulier. Ce personnage est souvent absurde et il fait des blagues forcées qui touchent la limite du racisme.

Bien que La Proposition semble se développer sur le modèle typique de l'amour et de la haine, je crois personnellement que la dynamique entre les protagonistes est beaucoup plus profonde que ça. À première vue, aucun des personnages se plaît, mais si on va un peu plus loin, on se rend compte qu'ils ont tous les deux des sentiments positifs qui sont réprimés en raison de leur contexte de travail strict. Andrew a de l'admiration pour Margaret, et à un moment du film, il confesse que cette admiration passe à l'état d'attirance. Margaret, de son côté, possède également des sentiments similaires ; elle pense qu'Andrew est un homme très engagé et talentueux et elle confesse même qu'elle a peur de le perdre en tant qu'assistant, raison pour laquelle elle a décidé de ne pas le faire évoluer au sein de l'entreprise. Dès le début, tous les deux partagent une passion pour leur travail et admirent les qualités professionnelles de l'autre. Les personnages ont beaucoup de choses en commun mais ils n'ont pas de relation au-delà de la dimension professionnelle, ce qui ne leur permet pas de se regarder au-delà de cette position.

De mon point de vue, le succès de La Proposition est naturel pour les nombreuses raisons évoquées au long de cette critique. Premièrement, un élément de grande importance c'est le casting du film, qui réussit à incarner des personnages mémorables et drôles qui ont également une très bonne chimie. En plus, ce grand choix ne se limite qu'aux protagonistes du film mais aussi les personnages secondaires qui contribuent à l'authenticité de l'atmosphère et à l'humour cynique qui accepte l'absurdité de la situation. Dans une dernière mesure, le jeu de rôles sociaux qui à la fois colle au modèle traditionnel de la comédie romantique et inverse ce modèle pour donner un ton innovant à l'histoire me parait clé pour captiver l'audience.

Mariana Romo Ruiz