On n'est pas condamnés à l'échec

Banlieusards (Kery James et Leïla Sy, 2019)

  • 30/10/2019
  • Noémie Leveau

Rappeur depuis les années 1990, Kery James sort son premier long-métrage, Banlieusards, coréalisé avec Leïla Sy. Une semaine après sa mise en ligne sur Netflix, le film a déjà été vu par près de 2 700 000 foyers.

Ce nouveau film français de Netflix raconte l’histoire de trois frères qui ont grandi dans une banlieue sensible de la région parisienne, et évoluent chacun dans une direction assez singulière. Y sont dépeintes la manière dont la société perçoit les jeunes de banlieue, la dure réalité de leur existence, ainsi qu’une forme de racisme cultivée à leur encontre. En près d’1h40, Banlieusards retranscrit en images des textes de rap engagés de Kery James.

Nous y suivons trois frères dont les chemins s'entrecroisent avec, comme socle central, la famille. Demba (l’aîné) vit du trafic de drogue, Noumouké (le benjamin) oscille entre être un simple élève de troisième et prendre exemple sur son grand frère – ce qui ne lui réussira pas toujours –, et Soulaymaan (le cadet), que l’on suit plus spécifiquement, est un élève avocat qui s’inscrit à un concours d’éloquence dont le thème porte sur la responsabilité de l’État dans la violence en banlieue.

Le scénario du film ménage des scènes poignantes et troublantes de vérité.

Le film est loin d’être un amas de clichés ; son scénario ménage des scènes poignantes et troublantes de vérité. La violence, bien qu’omniprésente dans le film, n’est en aucun cas glorifiée. Au contraire, elle amène de manière subtile à s’interroger sur le rapport que nous entretenons avec la banlieue. Une scène de contrôle d’identité sur fond de racisme ordinaire renforce le propos du film sur les inégalités que ces jeunes subissent au quotidien. Néanmoins, la scène finale (lors du concours d’éloquence) réinsuffle un espoir d’égalité.

La brève apparition de Mathieu Kassovitz n’est pas sans faire écho au film qu’a réalisé ce dernier en 1995 : La Haine. Bien que stylistiquement différent, celui-ci se concentrait également sur trois proches de banlieue parisienne (des « frères », mais cette fois-ci sans les liens du sang), dont on suivait les péripéties tout au long d’une journée de déambulation.

Au final, le film de Kery James met subtilement en lumière les problèmes de la banlieue française. Il veille à montrer ses bons comme ses mauvais côtés, tout en poussant sans cesse la réflexion (grâce au concours d’éloquence) sur les regards extérieurs et sur la responsabilité de l’État vis-à-vis de la misère dont ne parviennent pas à sortir les quartiers de banlieue.