Rien ne se perd, tout se transforme

Le Château ambulant (Hayao Miyazaki, 2004)

  • 10/10/2019
  • Iris Holtom

Dans un contexte de guerre, Sophie, une jeune fille âgée de 18 ans, travaille dans une boutique de chapelier. Lors d’une sortie en ville, par hasard, elle fait la rencontre du magicien Hauru. Envieuse de sa situation, la sorcière des Landes la transforme en vieille dame. A cause de sa nouvelle apparence, Sophie décide de s’enfuir. Elle trouve alors refuge dans un mystérieux château ambulant…

Avec ce film d’animation, Hayao Miyazaki entraîne le spectateur dans un parcours poétique où la recherche d’un cœur rythme le récit. De par leurs richesses, les images proposent différents niveaux de lecture. Tout le long du film, les personnages ne cessent d’ouvrir et de fermer des portes qui offrent de nouvelles potentialités romanesques à exploiter.

Une quête identitaire à la structure complexe

La composition du récit mêle plusieurs intrigues qui se font écho et pousse à une réflexion plus globale portée sur la question de l’être, dans son ambivalence entre intériorité et extériorité. L’intrigue peut sembler décousue de prime abord, d’autant plus qu’elle se déroule dans un contexte belligène, ce qui ajoute une part de désordre. Cependant cette confusion fait sens. Si les motifs de la guerre restent flous et l’ennemi inconnu, c’est justement pour montrer son absurdité. De plus, grâce à la composition minutieuse de chaque image, l’histoire est parsemée d’indices qui apportent d’autres clefs de lecture. Les personnages principaux sont emportés dans cet enchevêtrement de détails, qui selon les endroits dans lesquels ils se trouvent, illustrent leur personnalité. La complexité du récit est finalement à l’image du château ambulant, un ensemble d’éléments qui, assemblés, se transforment en une machine à voyager étrange et ensorcelante. Chaque morceau de la structure est comprise dans un tout qui fonctionne grâce à cette cohésion. Souvent onirique, la musique participe elle aussi à cet univers magnétique et souligne la progression des personnages dans leur cheminement personnel.

Une esthétique de la mouvance

L’ensemble du film repose sur un ensemble de métamorphoses des personnages mais aussi des lieux dans lesquels ils se trouvent. L’apparence des personnages principaux, en constante fluctuation, illustre leur instabilité émotionnelle. En effet, le physique de Sophie se transforme en fonction de ses humeurs et de son accomplissement. Elle retrouve parfois ses traits juvéniles lorsqu’elle éprouve des émotions vives et elle finit par être dans une sorte d’entre-deux, ses cheveux restent gris mais son corps est celui d’une jeune femme. Pourtant c’est à partir du moment où elle est transformée en vieille dame qu’elle prend davantage confiance en elle. Auparavant, Sophie semble être une jeune fille timide et peu sûre d’elle. Finalement c’est grâce à cette esthétique variée que le spectateur suit l’évolution de chacun.

En outre, au-delà de leur apparence physique, les personnages ont aussi une personnalité changeante. Miyazaki ne tient pas un discours manichéen où le bien et le mal s'affronteraient, au contraire, tous les protagonistes illustrent des caractéristiques ambivalentes. Le sorcier Hauru, par exemple, n’a pas les attributs d’un héros. Il apparaît dans certaines situations comme peureux et superficiel. Même la sorcière des Landes, au départ cruelle et imposante, s’avère être à la fin une vieille dame attendrissante. Par l’acceptation et la compréhension de leur destin, les personnages acquièrent une certaine stabilité physique et psychique.

« Je n’ai jamais connu une telle paix, une telle sérénité. » – Sophie à Marco

L’univers dans lequel ils évoluent est, lui aussi, mouvant. Contrastés, les paysages alternent entre plaines enchanteresses, villes envahies par la foule et scènes de bombardements dans le ciel. Semblable aux personnages, la nature offre une pluralité de visages, incarnant la quiétude ou le chaos. Les différents espaces, riches en couleurs et en formes, regorgent de détails qui complexifient le propos tout en lui rendant sa cohésion.

Finalement, la narration du film, qui peut se montrer disparate parfois, rend compte de toute la profondeur de l’intrigue. La pluralité des lectures laisse libre court à l’imagination tout en proposant une réflexion sur la quête de soi et le temps qui passe. Véritable récit d’apprentissage, Le Château ambulant est à voir et à revoir pour mieux comprendre toutes ses potentialités.