Panorama

Roubaix, une lumière présente une multitude d’intrigues policières calquées sur des faits réels qui avaient déjà été captés par le documentaire de Mosco Boucault, Roubaix, Commissariat central (2007). Arnaud Desplechin a fait le choix de reprendre mot pour mot les déclarations des différents protagonistes, en apportant tout de même de larges modifications à l’un de ceux-ci : le commissaire Daoud, que l’on suit tout au long du film.

Quelques éléments de contexte : Daoud (Roschdy Zem) semble être un commissaire exemplaire, aussi travailleur que mystérieux. L’enquête principale qui l’occupe dans ce film est celle d’un incendie et d’un homicide. Après avoir envisagé plusieurs suspects potentiels, il s’intéresse à un couple de jeunes femmes habitant dans la rue du drame. C’est un commissaire charismatique, énigmatique, admiré par ses collègues. Toute la narration est articulée autour de lui. Il sait, il sent, il faut lui faire confiance. Dans deux scènes très similaires, il va voir des amantes gardées à vues, chacune leur tour, et leur expose la vision qu’il a d’elles, sans douter un instant du fait qu’il a capté leur essence au premier coup d’œil. Sans d’ailleurs qu’aucune de ces deux jeunes femmes, pourtant plutôt farouches, ne s’oppose à sa vision ou à son exposé.

A-t-on réellement besoin, en 2019, d’un personnage qui flatte à ce point l’ego masculin ?

Se pose dès lors la question suivante : a-t-on réellement besoin, en 2019, d’un personnage qui flatte à ce point l’ego masculin ? Qui montre une fois de plus que l’homme est plus à même de comprendre et de raconter l’histoire de la femme que la femme elle-même ? Après la prise de conscience, dans la sphère publique, des inégalités homme/femme et des violences structurelles et/ou normalisées à l'encontre des femmes suscitée par des mouvements tels que #MeToo, #Niunamenos, #Time’sUp, ou encore #50/50pour2020, il y a de quoi douter.

À celles et ceux qui me trouveront un brin remontée, un brin injuste, je demanderai de réfléchir au nombre de films reconnus comme « cultes » où des hommes s’emparent de l’histoire et de la parole des femmes, ou, pire encore, ne la leur donnent pas du tout. L’histoire du cinéma en est remplie.

Alors non, M. Desplechin, je ne veux pas voir un énième film qui donne tous pouvoirs à l’homme. Je vous assure qu'on peut traiter d’un parcours remarquable sans en éclipser d’autres. Autrement dit, pas besoin de rabaisser les personnages féminins pour faire émerger une figure masculine.