Paroles de cinéastes

Entretien avec François Desagnat et FabCaro

Zaï Zaï Zaï Zaï (2022)

François Desagnat et FabCaro lors de l’avant-première de Zaï Zaï Zaï Zaï au cinéma Diagonal de Montpellier

À l’occasion du Festival étudiant Paul Va au Cinéma de l’université Paul Valéry de Montpellier, Focus s’est rendu à l’avant-première du film Zaï Zaï Zaï Zaï de François Desagnat, adapté de la bande dessinée du même nom de FabCaro. Le réalisateur et l’auteur étaient tous deux présents après la projection pour répondre aux questions du public.

FabCaro, comment vous sentez-vous à l’issue de ce projet ?

FabCaro : Le premier truc que j’ai dit à François au début c’est « t’es fou, c’est inadaptable ». C’est pas très vendeur comme première démarche mais je pensais ça assez inadaptable. C’est une histoire assez décalée, c’était pensé pour une BD, avec des codes de BD. Mais quand j’ai vu le résultat, j’ai trouvé ça super réussi. Je l’ai découvert un peu comme vous, bien que je connaissais un petit peu mieux le texte, mais il y a eu beaucoup d’ajouts et de réécritures pour ceux qui ont lu la BD, donc j’étais aussi spectateur de ça. J’ai trouvé ça superbe, tout est dans le ton donc, oui, je suis ravi du résultat bien sûr.

Avez-vous travaillé ensemble ou est-ce que vous, FabCaro, êtes resté extérieur au film ?

FabCaro : J'aimais bien l‘idée de ne pas intervenir et de découvrir le film avec un regard extérieur. Moi j’ai fait le livre, parce que c’était pensé pour le livre. Le film est un autre support, c'est une autre approche. On a un peu échangé sur le scénario, François m'envoyait régulièrement une version et je lui faisais des retours pas super constructifs. J’aime bien l’idée de lâcher le bébé et de voir comment quelqu’un d’autre peut se le réapproprier. Très vite, il m’a dit qu’il n’y avait pas assez de matière dans le livre pour faire un long métrage et qu’il faudrait réécrire. J’ai adoré cette idée.

François Desagnat : Jean-Luc Gaget, avec qui on a écrit le scénario, avait un mot : il disait que tout ce qu’on inventait en plus de la BD, il fallait que ça soit Fabcaro-compatible. C’était important pour nous de faire lire à Fabrice les versions du scénario, et je l’ai d‘abord consulté avant de lancer le gros œuvre. Si tu avais trouvé ça nul tu nous l’aurais dit ?

FabCaro : Non, je te faisais quelques remarques sur le scénario, mais c’était quelques détails. Je ne me sentais pas légitime en tant qu’auteur de BD car le scénario est un métier différent. Une ou deux fois je me suis demandé si certaines choses dans la réécriture allaient bien passer, et dans les avant-premières ce sont les scènes qui ont fait le plus marrer. C'est vraiment deux écritures différentes.

Comment avez-vous travaillé les images et la direction artistique par rapport au dessin assez épuré de Zaï Zaï Zaï Zaï ?

François Desagnat : Le dessin est très épuré, il est très simple. En fait, c’est une bénédiction pour un réalisateur parce que ça donne toutes les libertés possibles pour pouvoir créer un univers. Il faut évidemment que cet univers soit cohérent avec le ton général que propose Fabrice dans sa BD, mais, après, tout est possible. Par exemple, on n'arrive pas trop à identifier les personnages donc, pour le casting, j’ai pu prendre un peu qui je voulais. Tout l’univers et le visuel pouvaient être créés avec beaucoup plus de liberté qu’avec un Boule et Bill ou un Lucky Luke.

Comment avez-vous réussi à avoir un casting aussi incroyable ?

François Desagnat : Casting incroyable, je ne sais pas, mais la grande majorité des gens qui venaient étaient des gens qui, à la fois, connaissaient la BD et avaient envie de la voir adaptée. Ils devaient avoir envie de jouer des situations absurdes inventées par Fabrice. Mais la grande majorité des comédiens sont des amis qui avaient envie de venir s’amuser avec nous.

Pourquoi le choix de Jean-Paul Rouve pour le personnage principal ?

FabCaro : On se ressemble un petit peu…

François Desagnat : Fabrice m’a dit : « Je ne te laisse pas les droits du film si ce n’est pas Jean-Paul Rouve ». Il y a deux raisons : c'est un ami, ça fait très longtemps qu’on veut faire un film ensemble, on avait un projet qui ne s'est pas fait donc on a été un peu frustrés et, surtout, on partage énormément de choses, de références, on rit sur les mêmes choses. Quand il y a eu la possibilité d'adapter Zaï Zaï Zaï Zaï, je me suis tourné vers lui. Et puis il y avait une possibilité de filiation entre tout ce qu’il a fait avec les Robins de Bois et l’univers de Fabrice. Et, quand je l’ai proposé à Fabrice, ça a été évident pour lui aussi. Et puis il lui ressemble….

FabCaro : J’étais ravi. J’ai la culture des Robins des Bois, et l’idée était aussi de jouer très premier degré. Le personnage est un fuyard qui a peur et Jean-Paul a un bon potentiel dramatique, c’était idéal dans une comédie.

La BD, avant le film, évoquait beaucoup de choses sur le monde et la société. Était-ce le but, ou est-ce venu au fur et à mesure de l’écriture ?

FabCaro : Je ne fais pas de BD politique, au contraire, j’essaie de m’abstraire de l’actualité car je trouve ça très anxiogène. Alors, en général, je me réfugie dans l’absurde pour échapper à tout ça. Mais, au final, Zaï Zaï Zaï Zaï est peut-être ma BD la plus politique car, sous le couvert de l’absurde, j’ai fait passer des choses sur la société de consommation, sur les médias, sur la place de l’artiste et de l’étranger. Ce n’est pas ouvertement politique car je suis très attaché à l’absurde et au fait de sortir de tout ça mais, forcément, il y a beaucoup de choses qui transparaissent.

Partout dans l’arrière-plan du film, il y a la figure d’un homme. Qu’est-ce que ça représente ?

François Desagnat : C’est le président du pays dans lequel cette dystopie se passe. C'est un portrait présidentiel présent partout : au commissariat, à l’école, mais aussi sur les tatouages des gens, sur des mugs, des photos, des stickers… Ça nous a amusés d’avoir une figure présidentielle qui soit dans ce pays aimée, adulée, comme une sorte de Big Brother. Pour l'anecdote, c’est moi qui le joue parce que je me sentais bien en tant que président de ce pays un peu bizarre.

Est-ce que Montpellier figure dans le top 5 de vos prochains lieux de tournage ?

François Desagnat : Il y a eu un accueil de Montpellier à tous les niveaux. Le tournage était super, on a été accueillis merveilleusement bien par Occitanie Film, on a rencontré un grand nombre de techniciens de la région et beaucoup de comédiens et comédiennes. Ça a été une superbe expérience. Le seul petit défaut : la circulation à Montpellier, c'est un peu le bordel, même en étant parisien. Mais ce qui est super c'est qu’on ne faisait que quelques kilomètres et on avait des décors de nature très beaux et variés. Alors oui, Montpellier est sans aucun doute dans le top 5 de mes prochains lieux de tournage.