Entretien avec Maria de Medeiros et Laura Castro
À nos enfants (2022)
En février dernier sortait À nos enfants, réalisé par Maria de Medeiros. Tiré d’une pièce de théâtre écrite par Laura Castro (interprète de Tania), l’histoire traite d’une relation mère/fille tumultueuse. Vera, la mère, a combattu la dictature dans les années 1970 tandis que sa fille se bat pour avoir un enfant par PMA. La France étant le premier pays à accueillir le film, avec Epicentre Films. La réalisatrice en a profité pour venir y rencontrer son public. Le 27 janvier 2022, le cinéma Diagonal de Montpellier recevait Maria de Medeiros et Laura Castro pour présenter leur réalisation.
Le film est tiré d’une pièce de théâtre écrite par vous, Laura Castro. Comment est né ce projet ?
Laura Castro : J’ai écrit ça en 2010, quand mon troisième enfant est né. Quand on avait décidé d’avoir des enfants, le mariage homosexuel était interdit au Brésil, alors nos enfants ne pouvaient avoir nos noms de famille sur leurs papiers. Je ne connaissais pas un exemple d’une autre famille avec deux mamans. Alors, j’ai commencé à étudier tout ça et à entamer un travail politique/activiste pour avoir des droits pour ma famille. Cette pièce de théâtre, c’est comme une lumière qui est venue. Je pensais aux choses qui ont changé dans notre société entre la naissance de mes trois enfants. Je pensais aux femmes qui ont lutté pour le monde, pour permettre ces changements mais aussi pour la démocratie au Brésil. J’ai alors créé un dialogue entre ces deux générations qui ne comprennent pas leurs luttes respectives. Maria est arrivée comme un miracle, c’est allé très vite.
Maria de Medeiros, vous êtes la réalisatrice de cette adaptation. Mais vous étiez déjà dans le projet avant cela. Vous avez interprété pendant plusieurs années la mère de Laura Castro dans la pièce de théâtre. Comment vous est venue l’idée d’en faire un film ? La présence d’animaux faisait déjà partie de la pièce ?
Maria de Medeiros : On a fait la pièce pendant trois ans, on a créé une vraie amitié. J’ai senti qu’il fallait en faire un film, élargir le propos. Je venais d’un film documentaire sur une victime de la dictature militaire au Brésil, qui a beaucoup souffert en prison. J’ai lu beaucoup de témoignages de femmes survivantes, je n’ai rien inventé. On retrouvait souvent des histoires avec des animaux : cafards, cages aux lions, crocodiles… Je pense que le conflit générationnel avec sa fille fait ressurgir beaucoup de choses. On confrontait les libertés individuelles aux libertés collectives. Les images de cafards évoquent notamment l’arrivée du fascisme au Brésil.
La musique a une place importante dans le film. Était-ce déjà le cas dans la pièce ?
Laura Castro : Pour moi, c’est impossible de parler du Brésil sans parler de la musique : les deux sont intimement liés. Le titre du film est celui d’une chanson brésilienne. C’est la première chose que j’ai écrite pour la pièce. C’est une lettre des parents de cette époque-là qui demandent pardon à leurs enfants d’être des parents absents, exilés, luttant mais leur promettant qu’ils récolteront le fruit de tout ça. Maria a chanté cette chanson, c’est pour ça que je l’ai contactée.
Maria, vous êtes portugaise et Laura brésilienne. Vous a-t-elle suivie sur l’adaptation du scénario ?
Maria de Medeiros : Oui, pour le scénario, on a fait beaucoup d’allers-retours. On a écrit à Rio, à Barcelone… Ça marchait très bien, même quand on s’envoyait des mails.
Parler politique au Brésil reste quelque chose de difficile à entreprendre. Est-ce que le processus de financement a été difficile à mettre en place ?
Laura Castro : Pour la production, c’était difficile. On avait la pièce de théâtre, alors ceux qui finançaient la pièce ont aidé à financer le film. Mais ça ne représentait que 5 % du budget. On a tourné avec un tout petit budget. Il y a beaucoup de logos car chacun a contribué à créer le film. C’était une nouvelle expérience, difficile mais fascinante.
Le film aura-t-il tout de même droit à une sortie brésilienne ?
Maria de Medeiros : Le film va sortir au Brésil en avril [2022]. Il a eu comme problème le Covid mais aussi l’arrêt de la distribution au Brésil, à cause du président [Bolsonaro]. Les choses commencent à se débloquer, sûrement grâce aux films politiques qui ont mis la pression. La France est le premier pays à recevoir le film.