Paroles de cinéastes

Entretien avec Thomas Paulot

Municipale (2022)

Présenté dans la sélection Acid du Festival de Cannes 2021, Municipale est un film mélangeant documentaire et fiction. Laurent Papot y incarne un faux politicien, s’introduisant dans les élections municipales de la petite ville de Revin, dans les Ardennes. Une idée originale et troublante, défendue par Thomas Paulot lors de sa projection au cinéma Diagonal de Montpellier, le 31 janvier 2022.

Comment s’est installé ce climat de confiance entre les Revinois et vous ?

On a fait un assez long repérage où on rencontrait du monde, on devait comprendre les problématiques de la ville et de cette élection qui était particulière. On a mis un certain temps avant de sortir la caméra : il fallait que les gens soient prêts et aient bien compris le concept du film. On ne faisait pas de castings, notre intention était plus documentaire que fictionnelle.

Vous avez tout de même senti une certaine méfiance au début ?

Même les refus étaient bienveillants : les gens comprenaient pourquoi on faisait ça. Même entre nous, il y avait des désaccords. On touche à quelque chose d’interdit. Le temps a été un énorme atout, on avait des longs moments (quasiment une année). On est passés par des institutions qui nous ont fait rencontrer plein de gens. Même nous, on organisait des réunions sans caméras. Le temps sur place permet de comprendre, et aux gens de voir comment on fonctionne. C’est souvent la presse qui vient avec des sujets compliqués – ils en ont beaucoup souffert. On devait désamorcer ça, redire qu’on n'était pas la télé, qu’on racontait simplement une histoire.

Comment se passe la direction de résidents (qui ne sont donc pas des acteurs) ?

On ne les dirige pas. On signe un contrat d’acceptation et de compréhension du film. On peut retourner certaines scènes, mais on a fait ça plus tard (après le tournage). À part quelques rares séquences, c’était Laurent qui menait le tempo tel un chef d’orchestre.

Venons-en justement à Laurent Papot, votre acteur principal, dont le personnage porte le nom. A-t-il été simple de faire ce choix d’acteur ? Comment s’est déroulée la sélection ?

On a fait un casting classique autour d'un café pour voir si on avait des atomes crochus, puis une seconde étape avec la présentation d’un programme dans des conditions réelles. C’est là qu’il nous a surpris. Il avait de vraies facultés à improviser et à intégrer les gens dans un jeu simple et naturel. Quand on est partis du bistrot, il a tout de suite débriefé avec nous, en parlant de l’impact que ça avait sur lui.

Vous vous êtes donc basé sur un scénario à plusieurs débouchés, dont celui de l’échec.

On connaissait les probabilités. Je ne sais pas si notre scénario a été bouleversé. Mais il devait être bouleversable, c’est le principe de base. La probabilité d’un échec était présente, ça faisait partie du dispositif du film. Notre écriture servait à avoir des intentions claires et un document de travail commun (avec les coauteurs et le comédien). Ça nous permettait d’improviser dans un cadre où l'on pouvait retomber sur nos pattes.

Et l’après-tournage dans une petite ville, ça donne quoi ? Vous êtes restés en contact avec les habitants ?

On est restés en contact avec beaucoup d’entre eux. Les relations qui se sont créées dans le film ont perduré. Je pense qu’il y a des personnes qui ne se parlaient plus trop et qui ont recommencé, notamment politiquement. Au-delà de la campagne, l’objet du film a eu un effet aussi. Il a laissé une trace de cette élection.