Critique de film
  • Nina Lauriol

À la recherche du bonheur

Little Miss Sunshine (Jonathan Dayton et Valerie Faris, 2006)

Afin de permettre à Olive, petite fille de 7 ans, de participer à un concours de mini miss baptisé « Little Miss Sunshine », la famille Hoover décide de traverser les États-Unis jusqu’en Californie pour l’y conduire. S’ensuit un road movie burlesque en minivan où, survivant les uns aux autres, se réunit cette famille que rien ne semble relier.

C’est avec ce premier long métrage que les époux Jonathan Dayton et Valerie Faris décrochent l’Oscar du meilleur film en 2006. Little Miss Sunshine, film-bonheur euphorisant aux airs de comédie, nous embarque à travers l’Amérique avec la famille Hoover. Parsemé d’humour, de répliques d’une intelligence piquante, et de situations burlesques, Little Miss Sunshine pourrait apparaître comme une satire de la société américaine et de son american dream. À travers un éventail de personnages aux allures d’anti-héros, le film remet tendrement en question les notions de bonheur et de réussite.

D’une note défectueuse, le film instaure dès la première séquence que les membres de la famille Hoover sont tous des « losers ». Un père (Greg Kinnear), auteur qui n’arrive pas à vendre son livre, un oncle (Steve Carell), professeur suicidaire déchu, un grand-père (Alan Arkin), toxicomane passionné de pornographie, un fils (Paul Dano), daltonien se voyant refuser son rêve de devenir pilote... Au milieu de tout cela, surnage une mère (Toni Collette), seul personnage encore terre à terre, qui tente de tenir la route et de nourrir sa famille. Ils sont fauchés, ne se supportent plus et, pourtant, vont s’engager ensemble dans ce road trip destiné à accompagner la petite Olive (Abigail Breslin) et à lui permettre de devenir Little Miss Sunshine. La quête de la benjamine apparaît ainsi comme le dernier lien reliant les membres de la famille Hoover, jusqu'à remettre en question cette notion de réussite qui tient tant à cœur au père.

Le film souligne avec brio comment savourer l’échec, l’accepter et le surpasser.

Little Miss Sunshine souligne avec brio comment savourer l’échec, l’accepter et le surpasser. N’est-ce pas là la clé de tout succès ? Alors que certaines mères surmaquillent et sexualisent leurs filles aux Little Miss Sunshine, sans se rendre compte qu'elle cherchent simplement à pallier leur propre échec, n’y a-t-il pas plus libérateur que de voir cette famille se défaire de toutes ses ambitions, et se libérer ainsi de ses maux et tourments pour se laisser aller à ce qui compte vraiment ? La réussite n’est pas pour eux ; ce ne sont pas des winners, ils se suicident, sont malades, meurent. Et pourtant, ils gagnent. Car leur road trip et les malheurs qui l’accompagnent viennent redéfinir ce que l’on nomme réussite. Argent et succès riment-ils forcément avec bonheur ? Ce film n’est ni une véritable satire, ni le portrait d’un american dream partant en fumée, mais une réflexion sur le caractère contre-intuitif de la réussite. Une famille aux caractéristiques de losers qui émerge d'une Amérique humiliante et sans pitié : voilà de quoi remettre en question la notion du bonheur. Être ensemble, s’aimer, se soutenir, croire en chacun malgré les différends, composer une famille tout simplement humaine, loin des héros américains, auquel on s’attache et se rattache : telle est la voie empruntée par le film.

Little Miss Sunshine nous fait rire d’échecs, de morts, d’humiliations. C’est une note d’optimisme, dont la sensibilité des personnages anti-héroïques émeut. Des rêves partent en fumée et pourtant, on rit encore. La jeune Olive, brillamment interprétée par Abigail Breslin, est la principale source de cet optimisme. Elle est porteuse d’innocence et d’espoir. Elle croit encore en ce qu’on lui dit, et ne se laisse pas décourager par l’adversité. Elle est comme elle a envie d’être. C’est un modèle à suivre, une leçon de vie pour sa famille et le spectateur, la note manquante pour construire la mélodie du bonheur et remettre en question tout impératif de réussite.

Le film brille par ses niveaux de lecture adaptés à tout âge, sa bande-son entraînante et ses acteurs remarquables. Ne laissons pas les films indépendants nous laisser penser qu’il faut toujours avoir une raison de souffrir, et laissons-nous porter encore et encore par ce road movie au goût savoureux. Little Miss Sunshine est avant tout un film qui fait du bien, et qui vient nous rappeler ce qui compte vraiment dans la vie : le plaisir d'être ensemble.