Quand Spiderman se prend pour Indiana Jones
Uncharted (Ruben Fleischer, 2022)
Une intrigue trépidante, des paysages magnifiques, des énigmes impossibles à résoudre et des personnages attachants : voilà ce qui fait l'attrait si particulier d'Uncharted... le jeu vidéo. Mais était-ce une bonne idée d'adapter celui-ci au cinéma ? Plus qu'une adaptation réussie, le résultat est-il un bon film ?
Uncharted est une série de jeux vidéo sortis entre 2007 et 2017, où l'on peut suivre (et jouer) Nathan Drake, un aventurier, explorateur et voleur hors pair, qui parcourt le monde dans le but de retrouver d'anciens artefacts. Ceux-ci pourraient le rendre riche, certes, mais surtout aider à résoudre les plus grands mythes de l'histoire.
Uncharted, le film, nous fait suivre le même personnage, bien plus jeune et joué par Tom Holland, dans une aventure basée sur le premier opus de la série vidéoludique. Barman et voleur à ses heures perdues, Drake se lance dans la recherche du trésor de Magellan, explorateur disparu au XVIe siècle en laissant derrière lui une fortune inestimable. Dans son épopée, il s'entourera d'autres personnes partageant le même objectif, sans toutefois se montrer véritablement dignes de confiance. Il retrouvera aussi la trace de son frère, perdu depuis longtemps.
Une mauvaise adaptation ?
Faire une adaptation, que ce soit de livre, de pièce de théâtre ou, comme ici, de jeu vidéo, n'est jamais facile. Uncharted ne réussit malheureusement pas l'exercice. Plutôt que de partir sur une histoire originale, Fleischer choisit de remanier le premier épisode des aventures vidéoludiques de Drake, au risque de démolir plutôt ce qui était intéressant dans cet univers.
On se retrouve avec un Nathan Drake beaucoup trop jeune qui, de sa trentaine assumée, passe à une vingtaine presque adolescente. Initialement posé, sûr de lui et charismatique, le personnage laisse place à un jeune homme maladroit qui ne sait comment s'y prendre et passe son temps à faire des blagues passables et à manquer de peu de mourir.
Les décors majesteux du jeu sont presques inexistants, et font place à des décors d'intérieur, d'appartement, de chambre d'hôtel, d'avion, de bateau... Quand on nous montre finalement l'extérieur, c'est soit de nuit, soit au milieu de l'océan. Pas de quoi rêver ! Il y a quelques plans intéressants, notamment celui des bateaux perdus de Magellan qui dure cinq secondes et nous éblouit, mais le charme retombe vite quand on repasse à des plans serrés qui permettent d'éviter de montrer le vide des décors derrière les personnages.
On ne nous laisse pas l'opportunité de réfléchir avec les protagonistes.
Les énigmes constituaient quant à elles le cœur de l'interactivité du jeu. On pouvait passer des heures à chercher le bon objet à mettre dans le bon trou, le détail infime permettant de comprendre une histoire centenaire de pirates oubliés. Malheureusement, le film les bâcle. De notre siège de spectateur, on ne nous laisse pas l'opportunité de réfléchir avec les protagonistes. À peine un nouveau mystère apparaît-il qu'ils en trouvent déjà la solution. Finalement, ce qui ressort le plus du film est l'action brute, alors qu'elle nétait pas au cœur de l'œuvre originelle (il était même conseillé au joueur d'opter pour la discrétion, l'infiltration plutôt que la confrontation directe).
Un bon film ?
L'adaption d'Uncharted est facilement critiquable en comparaison du jeu dont elle s'inspire. Mais le film vaut-il au moins le coup d'œil en tant que tel ?
À peine sorti de la salle de cinéma, on ne se souvient déjà plus de grand-chose. Le manque d'originalité et l'absence de scènes marquantes font que le film est grandement oubliable. Tom Holland, acteur populaire du moment, pouvait sembler un bon choix pour un long-métrage basé sur un univers assez riche, en vue d'attirer des spectateurs non familiers de la licence du jeu. Cependant, ce choix est à double tranchant. Holland est très reconnu pour son rôle dans la saga Spiderman. Je ne sais pas si c'est sa personnalité qui a impregné son personnage d'homme-araignée ou si l'équipe d'Uncharted a voulu reprendre ce qui avait rendu ce même personnage si attachant, mais on s'attendrait presque à voir Nathan Drake tirer des toiles d'araignées. Ce personnage partage de nombreux points communs avec Peter Parker, que ce soit dans l'attitude maladroite mais mignonne, ou bien dans certaines répliques (par exemple, quand Drake s'excuse de faire tomber un méchant dans le vide).
Drake fait une recherche introspective et vit son passage à la vie adulte devant nos yeux.
L'histoire, elle, est vue et revue. On pouvait déjà le reprocher au jeu vidéo (où l'on retrouvait des similarités avec les personnages de Lara Croft et d'Indiana Jones), mais le film ne s'en sort pas mieux. On a droit au gentil contre les méchants (tous non Blancs de surcroît, tant qu'à faire dans le manque d'originalité), et le côté coming of age rend le tout bizarre, au point de détourner notre attention de la quête principale. Drake fait une recherche introspective et vit son passage à la vie adulte devant nos yeux, avec un long passage par les retrouvailles avec son frère (ce qui alourdit encore plus le tout), mêlées à une course avec des pilleurs sanguinaires à la recherche d'un trésor incroyable. On penserait que le fait de manquer de se faire assassiner par une psychopathe avide d'argent serait plus important que de savoir si son frère est en vie ou non, mais à chacun ses priorités...
On ne retient rien de ce film. On n'en sort pas changé, grandi ou ému. La vague morale que l'on nous sert à la fin – l'amitié compte plus que l'argent – ne colle pas avec le fait que Drake, juste après avoir vu couler le bateau de Magellan et son ami le secourir en abandonnant son sac rempli de trésors, sorte de ses poches une tonne d'or récupéré un peu plus tôt. Comme quoi, on peut avoir les amis et la fortune !
Rien n'est exploré en profondeur, que ce soient les relations entre les personnages ou les personnages eux-mêmes. On reste plutôt indifférent à ce qui leur arrive, et leurs motivations ne sont pas claires. Tout va trop vite : on passe d'un lieu à un autre, d'une énigme à une autre, d'un ennemi à un autre... On peut facilement se demander ce qui a motivé la réalisation de ce film. À l'instar des personnages à l'écran, s'agissait-il de se faire beaucoup d'argent en arnaquant les gens ?
Un échec de plus
La présence de la coqueluche du moment et le teaser post-générique permettront peut-être à l'équipe du film de produire une suite et, avec un budget plus conséquent, de rattraper le coup en créant la meilleure adaptation possible. Mais je ne serais pas étonnée de le voir tomber dans l'oubli et de ne plus jamais en entendre parler. Malgré son succès au box-office, le film ne gagne pas le cœur des critiques. Uncharted rejoindra sûrement les rangs des adaptations passables de jeux vidéo, déjà oubliées pour la plupart, comme Prince of Persia : Les Sables du Temps (Mike Newell, 2010), Assassin's Creed (Justin Kurzel, 2016), ou Warcraft : Le Commencement (Duncan Jones, 2016).