Amour fraternel ou violence familiale ?
Warrior (Gavin O’Connor, 2011)
Warrior est un film réalisé par Gavin O’Connor, qui y tient également le rôle d'un sponsor et organisateur de la SPARTA (le plus grand concours de MMA au monde). O’Connor est connu pour réaliser des films d’action comme Le Prix de la loyauté (2008) ou Mr. Wolff (2016). L'histoire de Warrior tourne autour d’un concours de MMA, mais pas seulement… En quoi ce film reflète-t-il le lien entre l’amour familial et la violence ?
Les problèmes visés par le scénario du film sont très intéressants, car à la fois banals et traités de manière peu conventionnelle. Il est question d'une famille brisée par une violence passée due à la tyrannie et à l’alcool. Seuls les sports de combats parviennent (plus ou moins) à rassembler les membres de cette famille. Le film, qui dure plus de deux heures, est clairement divisé en deux parties. La première heure est la moins enragée : elle nous montre la vie de famille des Conlon, au présent (adultes) et au passé (enfants), à l'origine des traumas. On comprend alors que cette famille n'a pas eu la vie facile, entre les problèmes financiers, l'alcool, la perte de proches, la violence et les rancœurs. Ce que l'on voit du passé nous fait comprendre le cheminement qui a amené les Conlon à devenir ce qu'ils sont aujourd'hui. Est également dépeint l’univers des sports de combat, à travers les sessions d’entraînement des deux frères, leur inscription et les raisons qui les poussent à participer à ce concours. La deuxième heure du film est, pour sa part, beaucoup plus violente. On y assiste au concours de la SPARTA et à ses à-côtés, sans pouvoir prédire le destin de cette famille brisée.
« So you found God, uh? That’s awesome. See, mum kept calling out for Him, but He wasn’t around. » – Tommy (Tom Hardy) à son père Paddy (Nick Nolte)
Les personnages de la famille Conlon ont chacun leurs qualités et leurs défauts, qui font que l’on s’attache plus ou moins à eux. Le père, Paddy (Nick Nolte), est un ancien alcoolique qui cherche à se faire pardonner d’un passé sombre empli de violence morale envers ses enfants, entre dénigrement permanent de l’aîné et forte pression mise sur les épaules du cadet pour lui faire vivre les rêves qu’il n’a pu concrétiser par lui-même. Violent physiquement avec sa veuve, Paddy est un pauvre type qui finit malgré tout par inspirer une certaine pitié. Son fils aîné, Brendan (Joel Edgerton), est presque revenu de son passé conflictuel. Fort d'une certaine stabilité, il a réussi à se construire sa propre famille, et parvient à accepter son père et son frère malgré les rancœurs qu’il conserve à leur égard. Quant au fils cadet, Tommy (Tom Hardy), c'est le personnage qui nous fait ressentir le plus d’émotions : haine, pitié, compassion, tristesse, amour. Il s'agit d'un être complexe, qui souffre de nombreux traumas (frère d’armes et mère décédés, père alcoolique, et j’en passe...). Il garde énormément d'amertume envers son père et son frère, si bien qu'il a fini par se renfermer sur lui-même. C’est un homme idolâtré par tous (comme on peut le voir à la SPARTA), mais incompris de son entourage. Tom Hardy montre à la perfection comment la tristesse de ce personnage s’est transformée en haine vis-à-vis de sa famille, au fil des ans.
« And who are you exactly? » – Tommy (Tom Hardy) à Brendan (Joel Edgerton)
Beaucoup voient Warrior comme un film de combat ou de boxe, mais, pour moi, il retranscrit les problèmes de nombreuses familles aux États-Unis ou ailleurs. Le plus troublant est que, si l'on y prête attention, on pourrait croire que Gavin O’Connor nous dit que la violence est la solution à tous les maux. Brendan décide de se battre pour conserver sa maison, Tommy revient vers son père pour se préparer au concours, et c’est lors du fameux combat entre les deux frères qu’ils parviennent enfin à se rabibocher. Tommy finit par expier toute sa haine et sa rancœur, et Brendan par lui témoigner son amour fraternel.
« It’s okay. I love you. I love you Tommy. » – Brendan (Joel Edgerton) à Tommy (Tom Hardy)
Ce film m’a énormément marquée par la manière dont sont abordés les problèmes émotionnels liés à la famille. La trame est parfaitement tissée. Aux ressentis des personnages succèdent la montée de la tension puis l'exutoire, jusqu'à une fin si émouvante qu'on en a la larme à l’œil. Certes, ce film tourne autour de la violence – qu’elle soit verbale, mentale ou physique –, mais ce que l’on en retient avant tout, c'est la cohésion d'une famille qui, en dépit de tous les heurts qu'elle s'est infligés, continue de s’aimer et de se soutenir.